Qui a tué mon père

D’après le roman d’Édouard Louis

Julien Rombaux

© Pierre-Yves Jortay

Le texte est un monologue d’un fils destiné son père. L’histoire d’un jeune homme qui revient chez lui après des années d’absence et retrouve son père détruit par les années de travail à l’usine. Le fils interroge la relation intime qui le lie à son père à la lumière de l’histoire politique. Il questionne leurs liens, les mécanismes sociaux qui ont fait de son enfance une blessure, avant de réfléchir aux conditions de travail qui détruisent les corps de milliers d’ouvriers. Il décrit la violence sociale de Sarkozy à Macron qui, depuis des années, méprisent les classes populaires et les étouffent chaque jour un peu plus.

Nous voulons mettre des mots sur cette violence sociale. Pour en finir avec la honte. Monter sur un plateau de théâtre, c’est en finir avec l’illégitimité. C’est prendre la parole avec la nécessité du crève-la-faim, c’est pouvoir être enfin entendu. Il faut faire entendre Édouard Louis quand on sait à quel point la politique actuelle nous méprise, en utilisant des termes comme « fainéant », en faisant culpabiliser les chômeurs, en faisant en sorte que les pauvres soient toujours plus pauvres et les riches toujours plus riches. Alors le temps de la honte doit cesser : il doit laisser place à la colère.

Interview

« Être entouré des auteur.trice.s de ma bibliothèque me donne l’impression de passer du temps avec des personnes intéressantes ; elles m’aident aussi à ne pas me sentir seul. »

Comment habitez-vous le temps ?
Entouré de mes bouquins. Je donne de la concrétude au temps lorsque que je peux l’avoir pour moi et que je peux le maîtriser. Les rares moments de plénitude que je peux m’octroyer, c’est ce rapport au temps qui, pour moi, est reposant mais à la fois actif car j’ai besoin d’être en mouvement.
Le temps m’intéresse quand il est actif; c’est à ce moment-là où j’ai l’impression de ne pas en perdre. Être entouré des auteur.trice.s de ma bibliothèque me donne l’impression de passer du temps avec des personnes intéressantes ; elles m’aident aussi à ne pas me sentir seul.

À quel moment avez-vous eu l’idée de vous lancer dans votre projet de création ?
Comme pour ma première mise en scène, ce fut immédiat, comme un coup de foudre ! J’étais à Filigranes, une grande librairie à Bruxelles, où j’ai découvert un numéro spécial du magazine Les Inrockuptibles avec  Édouard Louis comme rédacteur en chef invité, un écrivain que je ne connaissais pas. J’ai commencé à feuilleter le livre et il m’a de suite captivé, touché, ému. Je sortais   peine de ma première création mais j’ étais déjà en questionnement pour la suite ; j’avais donc de la place pour un nouveau projet.

Comment ce projet a-t-il évolué au fil du temps ?
Un projet de création prend beaucoup de temps, cela fluctue, ce sont constamment des euphories et des déceptions… ça commence avec des gens autour qui accompagnent le projet, puis une première étape de travail. Personnellement, je souffre du délai entre le moment où on démarre le projet, la construction du dossier, les demandes d’autorisation, la réponse des théâtres… je suis très impatient et le travail est très long. Par contre, cela laisse du temps pour donner de la maturité au projet et arriver dans celui-ci en étant beaucoup plus armé. J’aimerais pouvoir le faire dans la foulée mais en même temps cela permet d’y réfléchir, d’en parler avec d’autres personnes, ce qui amène   d’autres lectures, de rebondir sur d’autres pistes de dramaturgie, ce temps-là est finalement précieux.

Comment appréhendez-vous ce « temps éphémère » passé au plateau par rapport au « temps long » passé à la conception du spectacle ?
C’est le paradoxe du métier ! 85% de mon temps, je le passe à préparer et construire ce qui va advenir sur le plateau. Les moments qu’on chérit sont finalement peu nombreux. Cela peut sembler négatif mais il faut le voir comme une bénédiction ; de pouvoir faire ce que l’on aime, même si ce sont de rares moments, car c’est là que vient la nécessité d’être sur le plateau et, une fois qu’on y est, on n’a plus envie de le lâcher.

Avez-vous la notion du temps ?
Oui, je pense être assez bon dans la planification de mes journées. C’est ce côté « contrôlé », de savoir ce qui va se passer, sans trop laisser de place à l’improvisation.

Pour vous, qu’est-ce que le temps perdu ?
Le temps perdu est un temps qui n’est pas stimulant, pas dynamisant, où l’on apprend rien, où on ne passe pas un bon moment. C’est aussi le temps que l’on passe parfois à attendre, lorsqu’on est privé de son temps et que l’on ne fait rien. Cela peut paraître productiviste car on peut aussi passer son temps à ne rien faire et aimer ce temps-là mais, personnellement, j’ai du mal à me faire à cette idée.

Pour vous, qu’est-ce qui est perte de temps ?
Tout ce qui est administratif ! Les petites tâches administratives à accomplir qui me semblent être des futilités.

Qu’est-ce qui a fait son temps ?
Le patriarcat, les vieilles recettes, les schémas carrés impossibles à changer !

Si vous deviez vous rappeler un temps fort ?
Je dirais plutôt que j’espère que les temps forts vont arriver bientôt, que l’on vivra d’excellents moments avec la création du spectacle, à la première par exemple !

Il est temps de… Il est temps d’oser ! D’arrêter de s’excuser, d’assumer ses choix, ses envies, ce que l’on aime ou pas et d’affirmer sa légitimité.

Distribution

Metteur en scène : Julien Rombaux – Collaboratrice artistique : Gwendoline Gauthier – Jeu : Philippe Grand’Henry, Adrien Drumel – Compositeur et musicien : Camille-Alban Spreng – Scénographe : Boris Dambly – Peinture : Eugénie Obolensky – Costumière : Britt Angé – Créatrice lumière : Émily Brassier –– Régisseur plateau : Peter Flodrops – Régisseuse lumière, vidéo, son : Candice Hansel – Photographie : Pierre-Yves Jortay – Diffusion : La Charge du Rhinocéros  

Production : maison de la culture de Tournai/maison de création – Coproduction : Mars – Mons arts de la scène, L’ANCRE – Théâtre Royal, Théâtre de la Vie – Soutiens : Fédération Wallonie-Bruxelles – Service du Théâtre (CAPT), Centre Culturel Jacques Franck, Studio Quai 41 – Centre Rosocha à Bruxelles, Centre Culturel de Nivelles – Accueil en création scénographie : Le Vaisseau