Portraits sans paysage
Nimis groupe


Accueil. Deux syllabes qui sonnent comme une promesse de rencontre, d’hospitalité. Pas pour les étrangers. Car aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, l’accueil des exilés se traduit par de l’enfermement, de la surveillance et l’absence de perspective pour les personnes déracinées. Depuis plusieurs années, le Nimis groupe questionne les enjeux liés à la migration. En 2016, leur premier spectacle, Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu, interrogeait les politiques migratoires de l’UE et leurs incidences économiques. Avec Portraits sans paysage, le collectif se penche sur les dispositifs d’enfermement pour étrangers et décortique les rouages du travail humanitaire.
Qu’est-ce que ces lieux d’enfermement, qui se dérobent aux regards, révèlent de nos sociétés ?
Fruit de rencontres avec des détenus, des exilés, des travailleurs sociaux ou humanitaires, des juristes, des psychologues, des policiers, des bénévoles, des hébergeurs… Portraits sans paysage déconstruit la confusion entretenue par les médias et les politiques entre accueil et enfermement et rend visibles par le biais de témoignages, de mises en abîme ou d’images, les rapports de force et de domination qui se perpétuent à travers le business de l’humanitaire.
Prochaines dates
- Théâtre National Wallonie-Bruxelles – 19 > 28/05/22
- À la maison de la culture – automne 2022 (dates à venir)

Pendant toute la période de création sont organisées des rencontres ponctuelles entre les artistes et les acteurs de la mobilisation citoyenne tournaisienne pour les personnes exilées. Ainsi, des représentants et les bénéficiaires de la Croix-Rouge de Belgique, de la Plateforme citoyenne pour les réfugiés des sections Tournai et Péruwelz ainsi que des membres de Tournai Refuge se sont exprimés sur les missions qu’ils défendent, le type d’actions qu’ils mettent en place en lien avec le soutien aux sans-papiers et demandeur.se.s d’asile. Les invitations et thématiques/sujets abord s dans le cadre de la création sont en construction avec l’équipe artistique, dates et infos pratiques à venir.
Interview
« Nous prenons chacun.e un temps pour mener notre travail de recherche, aller à la rencontre des gens sur le terrain, faire des voyages dramaturgiques pour, ensuite, pouvoir prendre le temps de comprendre, décortiquer ces témoignages… »
Comment habitez-vous le temps ?
Yaël Steinmann : Notre seconde création s’inscrit dans un processus et une temporalité particulière, à savoir qu’il s’agit d’un temps très long car nous travaillons en collectif. Nous prenons chacun.e un temps pour mener notre travail de recherche, aller à la rencontre des gens sur le terrain, faire des voyages dramaturgiques pour, ensuite, pouvoir prendre le temps de comprendre, décortiquer ces témoignages et arriver au plateau avec toute cette matière récoltée. En plus de cela, nous devons tenir compte de la temporalité du collectif qui s’inscrit dans un processus décisionnel que l’on veut horizontal le plus possible. C’est donc un processus très lent et très long, la patience est de mise !
À quel moment avez-vous eu l’idée de vous lancer dans votre projet de création ?
Anne-Sophie Sterck : Ce deuxième projet s’inscrit dans la continuité du premier dans lequel la question de l’enfermement des étrangers avait déjà été traitée au plateau mais qui, pour des raisons dramaturgiques, n’a finalement pas été abordée en tant que telle dans le spectacle. Aussi, une des personnes qui était au plateau avait été enfermée et lorsque nous lui avons rendu visite en centre fermé, nous nous sommes rendu compte de la violence de ces lieux.
YS : Le groupe du premier spectacle s’est d’ailleurs rencontré dans un centre ouvert, qui est déjà dans la logique de l’enfermement, et l’équipe s’est constituée à partir de là.
AS : En 2015, les médias ont commencé à parler des exilés, de « la crise migratoire » à Calais, alors qu’au moment de nos recherches, lors de la création de notre spectacle, ce sujet n’était pas du tout médiatisé (ce qui ne facilita pas la recherche d’informations). Le fait de parler de la gestion des étrangers par l’enfermement, c’était un peu aussi en réaction à cette médiatisation et de ce qui en a été fait : on parlait de l’accueil de l’Europe alors que les gestes déployés étaient des gestes d’enfermement. Enfin, il y avait aussi l’envie de poursuivre une aventure collective avec la singularité de ce groupe-là ; de traiter ces sujets ensemble avec la volonté, dans la mise en scène de ce deuxième spectacle, de ne pas avoir au plateau uniquement des personnes ayant vécu ces expériences-là, mais aussi de les inclure dans l’écriture du spectacle afin d’avoir un récit commun et une parole collective. La richesse du projet, c’est cette envie de poursuivre cette aventure collective, de pouvoir écrire ensemble, de ne pas avoir les mêmes points de vue, les mêmes vécus, les mêmes pratiques du théâtre. Cela demande beaucoup de temps mais c’est passionnant !
Comment votre projet de cr ation a-t-il évolué au fil du temps ?
AS : Cela évolue fort en fonction de la découverte des contenus, des personnes qu’on rencontre, des liens que l’on fait, de notre rapport à la matière. Pour nous, blancs européens, il y a parfois une grande violence de se rendre compte de cet état du monde. Lors de notre première résidence, il y a eu beaucoup de rencontres, de témoignages et la violence qui en est ressortie était très éprouvante. Cela demande donc du temps pour digérer tout cela et pouvoir trouver des formes théâtrales pour monter le spectacle ; l’énergie du groupe est moteur et permet ça !
Comment appréhendez-vous ce « temps éphémère » passé au plateau par rapport au « temps long » passé à la conception du spectacle ?
AS : Par le biais de toutes nos actions culturelles, nous essayons de garder une continuité de notre processus, ça ne se limite donc pas uniquement aux représentations. Cela nous permet de continuer à être dans ce mouvement de rencontre, de créer du lien, le spectacle devient alors le lieu de rencontres entre des personnes dont les chemins ne se seraient peut-être pas croisés et permettra peut-être aussi de créer une histoire à venir. C’est aussi faire venir au théâtre des personnes qui n’en ont pas l’habitude.
Qu’est-ce qui a fait son temps ?
AS : Le capitalisme !
YS : La Convention de Genève, des textes de lois qui datent et que personnes n’osent bouger (de peur que ce soit pire !) et qui ne collent absolument plus à la réalité de notre époque.
Si vous deviez vous rappeler un temps fort ?
AS : Nous avons joué le spectacle devant des parlementaires, avec débat à la suite. C’était très fort de se dire que des personnes qui ne sont pas écoutées, jamais entendues, puissent s’adresser directement aux dirigeants qui mettent en place des lois qu’ils subissent. C’était un moment fort de notre métier, quand cela ne reste pas entre les murs d’un théâtre et que cela devient concret avec un impact réel… même si cela n’a pas changé les lois mais ce moment a eu lieu.
Il est temps de…
YS : D’intolérer !
AS : Arrêter de s’arranger avec ces situations qui ne sont pas tolérables. Il est temps d’arrêter d’attendre ! Parce qu’il n’y a rien à attendre de ces lois qui ne vont rien changer. Arrêter d’attendre de la part d’un système, de dirigeants, qu’il y ait une bonne marche à suivre qui se mette en place. Intolérer signifie s’organiser autrement, changer nos organisations et il y a du boulot !
Distribution
Conception : Nimis groupe – Texte, mise en scène, jeu : Jeddou Abdel Wahab, David Botbol, Pierrick De Luca, Tiguidanké Diallo Tillman, Fatou Hane, Yaël Steinmann, Anne-Sophie Sterck, Sarah Testa, Anja Tillberg avec la participation de Florent Arsac, Nicolas Marty et Lucas Hamblenne – Scénographie : Val Macé – Lumière et direction technique : Nicolas Marty – Son : Florent Arsac – Costumes : Eugénie Poste – Régie plateau : Lucas Hamblenne – Assistanat à la mise en scène : Ferdinand Despy – Regards extérieurs : Aristide Bianchi, Jérôme de Falloise, Romain David, Elena Doratiotto, Raven Rüell, Youri Vertongen – Aide à la dramaturgie et collaboration artistique : Marie Cosnay, Léa Macias, Hassan Yassin – Médiation culturelle : Marion Lory – Production et diffusion : Catherine Hance, Aurélie Curti et Laetitia Noldé
Co-réalisation : Festival Sens Interdits et Théâtre de La Croix-Rousse – Production : Nimis groupe asbl / Wirikuta Asbl – création Studio Théâtre National Wallonie-Bruxelles – Coproduction : Théâtre National Wallonie- Bruxelles, Mars – Mons arts de la scène, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, maison de la culture de Tournai/maison de création, L’ANCRE – Théâtre Royal, Théâtre Royal de Namur, le Réel Enjeu (Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Théâtre Le 140, L’ANCRE – Théâtre Royal, Théâtre de La Cité à Marseille, Théâtre des Doms à Avignon, Le Forum Jacques Prévert à Carros, Théâtre La Renaissance à Mondeville) – Soutien : Zoo théâtre et Arsenic2, La Bellone, Quai 41, Brass – www.nimisgroupe.com