Géants
Marie Delhaye | Karine Birgé | Cie Karyatides
« Le jeu c’est quelque chose de tellement naturel, évident, ça ne s’explique pas vraiment… Jouer c’est être en vie, se construire, être au monde. »
Chez les Géants, on mange jusqu’à plus soif, on pète, on règne étrangement, on exploite le bon peuple, on prend conseil, on n’en fait qu’à sa tête, on s’torche, on triche au jeu, on pense cul par-dessus tête, on prend le large pour chercher un idéal, on échoue sur des rivages inconnus, on brasse du vent, on s’dégonfle, on s’attaque à la source du problème, on provoque de joyeux cataclysmes, on remange, on chevauche le fantastique, on frôle le mauvais goût et on prend des vessies pour des lanternes.
Géants est une satire rabelaisienne cuisante sur la crudité du monde, où l’espoir d’un monde meilleur finira par avoir raison des constipés du changement !
Au service de grandes histoires, les spectacles de la compagnie Karyatides (Madame Bovary, Les Misérables et Frankenstein) s’adressent aux jeunes et moins jeunes et à tou·te·s ceux·elles qui sont au milieu. Les héro·ïne·s de ces histoires sont de menus objets, souvent glanés sur les marchés aux puces et recyclés avec malice et fantaisie.
Prochaines dates de spectacles :
Le Trident, Scène nationale de Cherbourg (France) 12›14/04/23
Maison de la culture de Tournai 25›26/04/23
Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes, Charleville-Mézières (France) septembre 2023

Interview
Le théâtre, un jeu d’enfant ? Que vous évoque le mot « jeu » ?
Marie Delhaye : Le jeu c’est quelque chose de tellement naturel, évident, ça ne s’explique pas vraiment… Jouer c’est être en vie, se construire, être au monde ; c’est par le jeu que l’enfant peut avoir prise sur le monde. C’est la nécessité dans laquelle on est en tant qu’artiste, public, adulte, au même titre que l’enfant finalement, de pouvoir prendre un peu de distance en jouant avec le réel. Jouer c’est grandir, c’est apprendre cette gymnastique : à sortir du jeu et à y retourner. Le jeu m’évoque la joie, le rire, la distance et l’humour.
Le jeu est l’espace transitionnel par excellence, l’espace des potentiels : quel lien faites-vous entre vos jeux dans l’enfance et le jeu d’acteur·rice que vous êtes devenu·e ?
MD : Il s’agit du même enjeu, de la même énergie vitale qui sous-tend le jeu d’enfance et le jeu au plateau, on se met à jouer comme si notre vie en dépendait. On joue un personnage complètement fictif, qui n’existerait pas si on ne le jouait pas mais qu’on décide de faire exister de manière vitale. On le fait exister le temps de la représentation, comme une espèce de nécessité pour tendre un fil imaginaire, fictif entre les spectateur·rice·s et le plateau et que cela relie tout le monde, c’est prendre soin d’un moment partagé où l’on est connecté·e·s, d’un moment présent comme une petite portion d’infini. Aujourd’hui, on fait des milliers de choses en même temps et le théâtre a une espèce de force archaïque qui permet de réunir tout le monde et de ne se consacrer qu’à une seule chose.
En tant que metteur·euse en scène/porteur·euse de projet, quelles sont vos règles du jeu ? Quels sont les critères de jeu que vous partagez avec l’ensemble de l’équipe artistique ?
MD : On souhaite que le jeu soit le plus accessible possible, pour n’exclure personne. Pour cela on travaille beaucoup l’image, l’atmosphère et le non-verbal. On travaille sur l’adaptation d’œuvres classiques, on garde ce qui est vraiment fort et percutant. Être au service du récit sans en être esclave, c’est-à-dire le rendre plus « contemporain », faire en sorte que l’œuvre puisse répondre à nos questions d’aujourd’hui, avec une esthétique singulière qui est la nôtre. Pour chaque création, on essaye de fondre les langages. En faisant du théâtre d’objet, on cherche à ce que l’objet apporte un plus car il donne une grande liberté à l’imaginaire du/de la spectateur·rice.
Quel est l’enjeu de cette nouvelle création pour vous ?
MD : Chaque création est un challenge différent car nous devons décider de quelle manière nous allons raconter et réduire le récit.
Pour cette création-ci, qui s’inspire de l’œuvre de François Rabelais, il n’y a pas un récit fort et construit. L’œuvre est foisonnante, truffée de digressions, de références antiques…Parmi tout cela, quelques pépites jaillissent. Le challenge est donc de tricoter un récit en partant de l’esprit de Rabelais : de garder ce qu’on aime chez lui. Tout cela au regard d’un autre ouvrage de l’époque, qui a beaucoup inspiré Rabelais : L’Utopie de Thomas More. C’était donc de savoir comment aller de Rabelais à Thomas More et comment se les approprier.
Cyril Briant : Pour la compagnie, l’enjeu est aussi de se confronter à un genre et à un code théâtral qui est de l’ordre de la farce. C’était un challenge de mettre cela en place car pour que resurgisse la comédie, elle doit paraitre toujours spontanée, comme si c’était la première fois, et doit provoquer le rire à travers des situations cocasses, absurdes, burlesques sans perdre de vue le tragique.
Jouer le « je » ? À quel endroit d’engagement vous situez-vous par rapport à votre métier ou à cette création ?
MD : On est à fond ! Mais on ne raconte pas nos vies.
CB : On se met en jeu entièrement, avec nos forces et nos fragilités, notre imaginaire et notre sensibilité…
Cette nouvelle création s’apparente plutôt à un jeu collectif ou à un jeu solitaire ?
CB : Collectif ! Pour moi, si c’est solitaire c’est qu’on est en difficulté, qu’il y a un problème, ça ne peut pas être autrement au théâtre même pour un monologue, tu dois communiquer avec quelque chose ou quelqu’un, c’est toujours en écoute et en résonance.
Quel est votre meilleur·e partenaire de jeu ?
CB : Marie !
MD : Cyril !
Un jeu d’enfance qui vous a marqué, qui a été fondateur pour vous ?
CB : Me prendre pour un chanteur, fabriquer des micros et monter sur un tas de sable ou un ballot de paille en imaginant que c’est une scène et que je donne un concert ! Et j’adorais aussi me déguiser !
MD : Jouer à cache-cache.
À vous de jouer : s’il y avait une question essentielle selon vous à vous poser, quelle serait-elle ? Et la réponse serait… ?
CB : « Trouvez-vous que le théâtre est essentiel ? » et la réponse est « Oui ! »
C’est quelque chose qui ne mourra jamais…
Peut-être qu’un jour les téléphones portables disparaitront mais pas le théâtre, on ne pourra rien faire pour s’en débarrasser.

Distribution :
interprétation Cyril Briant et Marie Delhaye (en alternance avec Estelle Franco) mise en scène Karine Birgé dramaturgie Robin Birgé et Félicie Artaud création sonore Guillaume Istace musiques additionnelles Gil Mortio croquis, scénographie et costumes Claire Farah coordination technique et création lumière Karl Descarreaux collaboration technique Dimitri Joukovsky constructions et interventions techniques Claire Farah, Karl Descarreaux, Les ateliers du Théâtre de Liège, Sébastien Boucherit, Joachim Jannin et Pedro Ferreira Da Silva visuel Antoine Blanquart administration Marion Couturier production/diffusion Cécile Maissin
Mentions :
production compagnie Karyatides coproduction Théâtre de Liège, Théâtre Varia, maison de la culture de Tournai/maison de création, Pierre de Lune – Centre Scénique Jeunes Publics de Bruxelles, Le Trident – Scène nationale de Cherbourg en Normandie, Le Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes à Charleville-Mézières, Escher Theater, La Coop asbl