En une nuit – Notes pour un spectacle
Ferdinand Despy | Simon Hardouin | Justine LequetteEva | Zingaro-Meyer
« La force de l’art en général c’est de raconter des histoires, de raconter les choses autrement et ce sera toujours une manière de contrer la réalité et de permettre de rendre les choses moins immuables que ce qu’elles sont. »
“Pourquoi réaliser une œuvre quand il est aussi beau de simplement l’imaginer ? – Pier Paolo Pasolini
Nous sommes dans une salle de théâtre. Quatre acteur·rice·s sont sur scène. Il·elle·s ne sont pas là pour nous jouer un spectacle mais pour nous rendre témoins de “Notes” pour un spectacle à faire. Ce spectacle idéal n’existe que dans leur imaginaire, le seul moyen de le voir est de le fantasmer ensemble. Un spectacle sur quoi ? Sur une nuit décisive, la nuit d’un double crime : celui de Pier Paolo Pasolini et celui du monde qu’il aimait et qu’il·elle·s n’ont pas connu. Sur scène, le collectif mène une enquête théâtrale bouillonnante : que s’est-il passé ? Pourquoi et comment ? Et quel spectacle pourrait en rendre compte ? Les acteur·rice·s font des hypothèses sur le spectacle à créer, racontent certaines scènes, en ébauchent d’autres, les réalisent parfois. Les possibles s’additionnent dans un ballet orchestré pour créer un spectacle qui n’existera jamais mais qui s’imagine là, en direct.
Prochaines dates de spectacles :
Théâtre de Liège 31/01›4/02/23
Maison de la culture de Tournai 7›8/02/23
L’ANCRE, Charleroi 9›11/03/23

Interview
Qu’évoque cette photo pour vous ? Comment vous ramène-t-elle à l’enfance ?
Justine Lequette : Me déguiser était une pratique courante quand j’étais enfant. On avait une malle avec une tonne de déguisements et on avait l’habitude, avec ma meilleure amie, de défiler costumées devant nos mamans respectives. Nous avons eu beaucoup de fous-rire ! Dans l’acte de se déguiser, on reproduit ce que l’on voit, ce qui nous entoure, il y a quelque chose de l’ordre de la compréhension du monde qui passe par le jeu.
Ferdinand Depsy : Ça me fait plaisir de me voir me marrer ! Je me reconnais dans cette photo, dans le sens où j’aime rire ou faire rire les gens. Si j’ai choisi de faire du théâtre, c’est notamment pour cette raison. Ce qui m’importe c’est jouer et utiliser l’humour, le plaisir, l’aspect communicatif du rire pour pouvoir parler de ce qui nous entoure.
Le théâtre, un jeu d’enfant ? Que vous évoque le mot « jeu » ?
FD : Oui, le théâtre est un jeu d’enfant, clairement ! On en a tou·te·s conscience en tant que comédien·ne car on s’amuse et on y croit comme des enfants. Dans le jeu au théâtre, il y a quelque chose de l’ordre du faire semblant mais surtout de la croyance ; on y croit tellement que cela devient vrai ! C’est précisément cela qu’il se passe lorsqu’on joue quand on est enfant.
JL : Oui et non ! Ça l’est lorsque nous sommes acteur·rice·s sur le plateau mais ce n’est pas le cas dans la construction du projet. Étant donné que nous sommes aussi les porteur·euse·s de ce projet, nous devons mobiliser d’autres énergies et c’est loin d’être un jeu d’enfant ! On se pose de nombreuses questions tant au niveau de la production qu’au niveau de la dramaturgie : que raconte-t-on au monde, quel type de théâtre est nécessaire aujourd’hui ? Le jeu, par contre, m’évoque quelque chose de l’ordre de la liberté, de l’affranchissement des conventions, des codes de la société, comme un état d’enfance que j’ai connu et dans lequel je me sentais plus libre. Ce sont ces 2 moments différents dans le projet qui le rendent si passionnant !
Le jeu est l’espace transitionnel par excellence, l’espace des potentiels : quel lien faites-vous entre vos jeux dans l’enfance et le jeu d’acteur·rice que vous êtes devenu·e ?
Eva Zingaro-Meyer : Le lien est très fort, sur le rapport à croire au « si » magique dont on parle souvent. Petite, comme tout le monde, je jouais beaucoup à des jeux de rôles, des mises en situation multiples où un tas d’inventions se mettent place. Ce sont comme de longues impros où l’on part dans un autre espace-temps alors que les émotions vécues dans le corps sont réelles. C’est un souvenir d’enfance dont je me rappelle, celui d’être dans des états très intenses et c’est ce que nous essayons de reconvoquer aujourd’hui en tant qu’adulte.
En tant que metteur·euse en scène/porteur·euse de projet, quelles sont vos règles du jeu, quels sont les critères de jeu que vous partagez avec l’ensemble de l’équipe artistique ?
JL : Une de nos règles du jeu est de laisser l’univers de chacun·e se déployer ! Nous avions convenu assez tôt dans le travail que s’il y avait des désaccords, nous n’irions pas vers la majorité ou un consensus mais tenterions plutôt de trouver une troisième voie qui convienne à tou·te·s. Au niveau de l’équipe élargie, par rapport aux différents corps de métier, nous avons aussi laissé une très grande forme d’autonomie, chacun·e est venu·e avec son univers. Une des règles de ce travail était donc de faire quelque chose ensemble qui nous conviennent à tou·te·s, tout en laissant l’univers de chacun·e s’épanouir à l’intérieur de cette contrainte.
Quel est l’enjeu de cette nouvelle création pour vous ?
FD : Il s’agit de notre première création. L’enjeu pour moi a été la temporalité : un processus de création sur un temps long. On a fait un an de recherches, sans s’imposer le fait de devoir forcément créer un spectacle. Pour ma part, l’enjeu est donc de traverser pendant plusieurs années un même sujet. Le projet a beaucoup évolué, nous avons aussi évolué personnellement ; il a donc bougé avec nous pour aboutir à quelque chose de sincère par rapport à ce nous sommes aujourd’hui mais qui est loin d’être celui qu’on avait imaginé au début !
EZ-M : Pour moi, il s’agit plus d’une question d’aller au bout d’une envie, d’une intuition, d’un désir, ce qui n’est pas simple dans notre métier. Ce désir immédiat qui donne lieu à un spectacle, à quelque chose qui s’inscrit dans le temps.
JL : À la lecture des textes de Pasolini, ils ont tellement raisonné en moi que la nécessité a été de pouvoir porter cette pensée-là. Ici, l’enjeu est donc Pasolini, ce qu’il a dit, ce que l’on peut transmettre ; de trouver les formes et la meilleure manière de faire entendre ces propos aujourd’hui d’où la sincérité par rapport à ce qu’on a ressenti, ce qu’il a provoqué en nous et qu’on veut partager avec vous.
Quel est votre meilleur·e partenaire de jeu ?
EZ-M : Cela dépend très fort des projets. Pour celui-ci en particulier, je dirais les costumes. C’est comme une nouvelle peau, c’est un appui sur la question de la posture, cela me donne la sensation d’être habillée de quelque chose.
Je dirais aussi certains outils comme des livres ou de la musique parce que cela me touche et ils sont pour moi de réels partenaires car ils m’inspirent et j’en ai souvent besoin.
À vous de jouer : s’il y avait une question essentielle selon vous à vous poser, quelle serait-elle ? Et la réponse serait… ?
JL : Pourquoi je fais du théâtre ? Aujourd’hui, cette question m’anime. Vu le monde dans lequel on vit, avec la conscientisation de la catastrophe écologique et capitaliste. Parfois je m’interroge, est-ce que faire du théâtre est encore opportun ? La question principale est comment va-t-on faire pour s’en sortir ? J’utilise le théâtre pour y répondre car il pousse à la réflexion, il a une puissance en lui-même !
FD : Faut-il continuer à raconter des histoires ? Oui ! La force de l’art en général c’est de raconter des histoires, de raconter les choses autrement et ce sera toujours une manière de contrer la réalité et de permettre de rendre les choses moins immuables que ce qu’elles sont.



Distribution :
D’après l’œuvre de Pier Paolo Pasolini
écriture, mise en scène et interprétation Ferdinand Despy, Simon Hardouin, Justine Lequette, Eva Zingaro-Meyer co-mise en scène et assistanat Orell Pernot-Borràs scénographie et création costumes Elsa Séguier-Faucher création lumières Caspar Langhoff régie lumière Lila Ramos Fernandez assistanat à la mise en scène Antoine Herbulot regard scénographique Nicolas Mouzet-Tagawa photos Annah Schaeffer
Mentions :
production Atelier Jean Vilar coproduction Théâtre Varia, maison de la culture de Tournai/maison de création, Théâtre de Liège, Théâtre de Namur, L’ANCRE, Mars – Mons arts de la scène, Réseau Puissance 4, Théâtre Sorano (Toulouse), CDN (Tours), La Loge (Paris), TU (Nantes) développement, production, diffusion Habemus Papam soutiens Fédération Wallonie-Bruxelles / Service Théâtre, Tax Shelter du Gouvernement fédéral de Belgique et Inver Tax Shelter, FRART, Arsenic 2 Herstal, Festival de Liège, le CORRIDOR, Centre Culturel de Chênée remerciements Marie Alié, Patrick Bebi, Irène Berruyer, Nora Boulanger-Hirsch, Dominique Brevers, Marie Devroux, Emy Docquier, Nathanaël Docquier, Thomas Dubot, Marion Gabelle, Catherine Hance, Nathanaël Harcq, Alice Tahon, Baptiste Montagnier, Brigitte Romano, Annah Schaeffer, Léo Smith, Anne-Sophie Sterck